Optimiste, sociable et facilement distrait : l’enfant sanguin

par | Mai 18, 2017 | Classes d'âges, Classes Moyennes, Grandes classes, Jardin d'enfant, Petites classes, Principes | 8 commentaires

L’enfant sanguin !

Voici le troisième opus de notre série d’articles sur les tempéraments, cette fois-ci : l’enfant sanguin ! Les précédents ont porté sur l’enfant mélancolique et l’enfant colérique. Le prochain portera sur l’enfant flegmatique, le dernier des tempéraments à étudier !

Le présent article a été publié la première fois en anglais dans la Revue Renewal que vous pouvez trouver sur l’excellent site Waldorf Online Library.

Je vous en souhaite une bonne lecture !

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Optimiste, sociable, et facilement distrait : l’enfant sanguin

Les parents de la nouvelle écolière Waldorf en classe 1 étaient assis pour leur premier entretien avec Mme Harrison, le professeur de leur fille. Après les salutations échangées, Mme Harrison a commencé ainsi, « Bien sûr, votre Sally est une enfant joyeuse et sanguine ! »

Les parents furent surpris et un peu consternés. Leur fille est une petite fille ensoleillée, optimiste, mais le mot sanguine implique quelque chose de plus. Ne veut-il pas dire « sanglant » ou « sanguinaire » ou quelque chose comme ça ?

Mme Harrison faisait en effet référence à plus qu’une disposition ensoleillée quand elle décrivit Sally comme sanguine. Elle utilisait le mot dans sa signification antérieure décrivant l’un des quatre tempéraments dans le système de classification des personnalités qui remonte aux anciens Grecs.

Lors des numéros précédents de Renewal, nous avons étudié le colérique fougueux et volontaire et le mélancolique sensible et plutôt rêveur. Contrairement à ces tempéraments, le tempérament sanguin est un peu plus léger et moins problématique. Confiance joyeuse, optimisme, et sociabilité caractérisent la personne sanguine. Mais le sanguin délicieux, doué et plein de plaisir a également ses défis.

Selon la théorie grecque ancienne des tempéraments, chacun est associé à l’un des quatre « éléments » et avec une « humeur », ou fluide corporel. Le colérique est le tempérament du feu et de la bile jaune, le mélancolique de la terre et de la bile noire, et le flegmatique de l’eau et des flegmes. Le tempérament sanguin est associé à l’air (et au vent) et avec le sang. Cela témoigne de l’évolution de l’humeur, de la conscience effervescente, de l’activité et du niveau d’énergie du sanguin typique.

L’attention de l’enfant sanguin est constamment changeante, un peu comme la météo. Un moment elle est fixée sur un sujet ou une activité, mais est bientôt ennuyée et prête à passer à autre chose. Son humeur est toujours changeante de l’enthousiasme à l’agitation.

Bien que le flegmatique plus impassible soit caractérisé par une uniformité et une constance d’humeur, le sanguin a tendance à être impulsif et chimérique. En général, l’enfant sanguin est joyeux et optimiste. Il pardonne volontiers et/ou oublie tout affront ou attitude désagréable. Il veut que tout le monde soit son ami et, en tant que le plus habile socialement des tempéraments, il est souvent la personne clé dans un groupe social et la force de vie de la fête.

Le sanguin a tendance à être physiquement attrayant. Du point de vue de Boucle d’Or1, les mélancoliques ont tendance à être maigres, les flegmatiques dodus et les colérique robustes. Le sanguin, cependant, a un corps bien proportionné et des traits réguliers et est typiquement droit.

Ce physique équilibré et la coordination physique concomitante donnent aux sanguins un avantage dans les activités qui impliquent des mouvements, tels que la danse et l’athlétisme. Comme ils se connectent bien avec les autres, ils ont souvent du succès dans les arts de la scène.

L’archétype du mélancolique est le plus à la maison dans une bibliothèque ou des services de recherches, et le colérique typique se trouve sur le terrain de football ou dans la salle de réunion d’une entreprise. Mais l’archétype du sanguin est dehors à s’amuser sur la plage ou sur la piste de danse, jouant dans une pièce ou profitant de son succès dans le monde du sport.

Lorsque, en plus de tout cela, nous notons que les sanguins ont tendance à être créatifs, sont aventureux et possèdent souvent un goût esthétique original, on est tenté de demander : Est-ce que le sanguin est trop béni ? Cela ne semble pas juste. Les sanguins ont belle apparence, des corps qui restez sveltes, et ils ont tous les amis et le plaisir.

Hélas, comme avec chaque tempérament, il existe des défis distincts pour la personnalité sanguine. Tandis que le colérique et le mélancolique ont tendance à être trop intenses et forcés dans la manifestation de leurs traits essentiels, le sanguin tend à pécher par omission.

Comme les parents et les enseignants peuvent en témoigner, l’enfant sanguin, plein d’énergie et d’enthousiasme, a des problèmes de concentration, de ténacité, et d’attention aux détails. Il s’enflammera à propos d’un nouveau sujet ou activité, mais perdra bientôt son intérêt pour lui/elle et voudra en changer. Le sanguin échoue souvent à terminer ce qu’il a commencé – qu’il s’agisse de devoirs ou de nettoyer sa chambre.

Ce que fait le sanguin est souvent bâclé et peu soigné. Tout sanguin a un certain trouble déficitaire de l’attention.

Il est amusant d’être avec les sanguins optimistes et enthousiastes. Mais manquant de la capacité du mélancolique à être loyal, ils peuvent être peu fiables en tant qu’amis.

Un ami mélancolique de votre enfance écrira année après année, mais quelques minutes après quitté la présence du sanguin, vous êtes une histoire ancienne. De plus, répondant intensément à chaque nouveau stimulus, le sanguin peut être inconscient ou oublieux des besoins des autres. Le sanguin oubliera souvent une promesse faite avec (sur le moment) sincérité et bonne intention.

Les sanguins ont tendance à avoir des relations en série, y compris les romantiques. Les sanguins, dans le monde des célébrités, gardent les tabloïds en activité. En général, ils ont du mal à « s’installer ».

1NDT : il m’a été impossible de comprendre ici la référence à Boucle d’Or… Si quelqu’un a une piste, j’en serais ravie !

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Le défi pour le parent ou enseignant travaillant avec un enfant sanguin est de contenir et diriger l’extraordinaire enthousiasme et le scintillement sans l’étouffer.

L’enfant doit développer sa capacité à se concentrer et à porter un projet jusqu’à son achèvement, une capacité, comme nous l’avons vu, qui n’est pas inhérente à son tempérament. Avec patience et vigilance, un adulte concerné peut aider l’enfant sanguin à développer de nouveaux traits et de nouvelles habitudes.

L’approche de la « mère tigre » récemment popularisée par un auteur sino-américain, dans laquelle la mère est la force de motivation dominante, celle qui conduit, est peut-être une approche pour l’enfant mélancolique ou colérique et peut ne pas fonctionner pour le jeune sanguin.

C’est profitable à tous les enfants d’apprendre à jouer instrument. Mais le choix de l’instrument et la façon dont il est présenté à l’enfant doivent être adaptés au tempérament. Par exemple, l’enfant sanguin n’est pas propice à prendre un violon ou, du moins, pas longtemps.

Le violon correspond à la qualité aérienne du sanguin et la pratique requise peut aider à développer la discipline. Cependant, l’instrument exige une précision technique et un véritable dévouement à faire quotidiennement des pratiques substantielles nécessaires pour progresser.

Vivre une pression pour pratiquer le violon pendant une heure chaque jour pourrait écraser quelque chose dans l’enfant sanguin. On pourrait encourager l‘enfant sanguin à jouer du violon avec la mise en garde que la perfection n’est pas attendue, que s’amuser avec l’instrument est la priorité. Un instrument moins exigeant tel que le piano ou la flûte à bec ou un autre instrument à vent pourrait être plus approprié. On pourrait renoncer entièrement à un instrument et avoir un un enfant sanguin qui apprend à danser et à chanter.

En travaillant avec n’importe lequel des tempéraments, une approche autoritaire, de discipline stricte et la manifestation de la colère ne réussissent pas à long terme à créer un changement positif. En cherchant à construire des tendances équilibrées et de bonnes habitudes chez le sanguin, nous avons besoin d’une certaine créativité.

Avec le jeune enfant sanguin, faire en sorte que l’enfant fasse quelque chose en utilisant l’imagerie imaginaire peut être efficace : « Rappelle-toi, Jenny, que les lapins ne peuvent pas venir t’embrasser ce soir si tous les vêtements sont en tas sur le plancher et sur leur chemin ! »

En général, cependant, les habitudes qui doivent être construites et qui peuvent aider à contourner les étourdissements de l’enfant sanguin arrivent à travers la répétition patiente. C’est seulement avec beaucoup de rappels que l’inattention et l’oubli de l’enfant sanguin peuvent être surmontés.

Dans la classe Waldorf, des interventions typiques pour équilibrer les tempéraments sont utilisés. Les enfants sanguins sont souvent assis ensemble, de sorte que chaque enfant, entouré par d’autres sanguins et leur énergie particulière, peut se fatiguer de sa propre tendance et expérimenter d’autres types de comportement et d’humeur. Dans les jeux de classe et les histoires, l’aspect sanguin peut être souligné au point que l’enfant devient conscient de ses propres tendances, se fatiguent d’elles, et s’efforce d’être moins sanguin.

L‘enseignant habile peut utiliser le tempérament de l’enfant comme moyen de maintenir son attention. Dans une histoire ou même dans une leçon de mathématiques, l’enseignement peut sauter d’une chose à l’autre pour maintenir engagé le sanguin trop facilement distrait. Un exercice mental, tel que « Commencez avec 6, multipliez par 3, divisez par 2, et ajoutez 16 – qu’est-ce qu’on obtient ? » est le genre d’activité que l’enfant sanguin peut aimer.

Rudolf Steiner a donné des conseils nutritionnels pour équilibrer les tempéraments.

En général, il recommandait un petit-déjeuner qui pause et ralentisse l’enfant sanguin. Alors que le jeune sanguin pourrait naturellement aller vers les fruits ou le sucré, les céréales raffinées, il serait mieux servi par un petit-déjeuner avec du pain à la farine complète ou des céréales complètes qui l’ancrent un peu.

A certains égards, le tempérament sanguin est le tempérament typique de l’enfance – lumineux, ludique et plein d’excitation. Il est plaisant d’être avec ces enfants. Cependant, la vie n’est pas seulement un plaisir. La patiente persévérance des adultes autour de ces enfants les aident à équilibrer leur tempérament, à relever leurs défis et à optimiser leurs dons pour la positivité et d’optimisme.

Thomas Poplawski est un eurythmiste formé et aussi un psychothérapeute. Il est l’auteur de « eurythmy : rhythm, dance and soul » et de « completing the circle », une collection de quelques-uns de ses nombreux articles sur la parentalité et l’éducation parus dans renewal. Thomas vit à Northampton, Massachusetts, avec son épouse, Valerie, une jardinière d’enfants à l’école Hartsbrook, et leurs deux fils.Enregistrer

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Sur Chant des Fées, plusieurs articles explorent les tempéraments tels que la pédagogie Steiner les présente :

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Optimiste, sociable et facilement distrait : l’enfant sanguin, traduction de Monique Tedeschi est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International.
Fondé(e) sur une œuvre à http://www.waldorflibrary.org/images/stories/Journal_Articles/renewal40.pdf.
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8 Commentaires

  1. Armoise

    Très intéressant de revoir sous l’angle de l’enfance les différents tempéraments.
    Nous naissons déjà avec un tempérament de base et c’est important d’effectuer un travail sur soi pour mieux comprendre son comportement et celui des autres.
    Je reconnais bien ma fille dans cet article.

  2. liliroux

    Bonjour Monique, et merci pour cet article ! je n’avais pas lu les précédents sur les tempéraments, mais le hasard (ou le filtre du cerveau) m’a fait tiquer sur le ‘sanguin’ ; je n’aime pourtant pas les ‘cases’ mais je suis ravie de mettre le doigt sur ce que je ne savais pas décrire concernant mon aînée de 4 ans. C’est tout à fait ça ! et maintenant je sais sur quoi travailler en priorité. Une des raisons peut-être de son envie de boycotter tout travail sur table ? Nous sommes en IEF depuis 1 an ; conseillez-vous le dessin de forme dès maintenant pour son âge et avez-vous des références pour débuter ? un grand merci

    • Monique

      Bonjour Lili, Merci beaucoup pour votre commentaire 🙂
      Je n’aime pas les cases non plus, mais certains angles de lecture peuvent profondément nous éclairer à un moment donné et nous impulser de belles évolutions ; à nous de ne pas rester prisonnier, car rien n’est fixé une fois pour toutes. Nous pouvons toujours reculer les frontières de notre compréhension.

      Concernant le reste du message, je vous envoie un email 🙂 à tout bientôt !

  3. vanessa

    Bonjour, je suis maman de jumelle de 3 ans et demi et je les reconnait bien dans cette description du sanguin. Elles ont énormément de mal à se concentrer à une tache, et j’ai l’impression encore plus quand elles sont toutes le deux. Elles se concentrent 5 min et après je vois bien que c’est difficile pour elles et généralement ça fini en histoire imaginaire, et là par contre, dans leur histoire qu’elles se créent, elles peuvent se concentrer un bien plus long moment. A la fin du temps de concentration, elles font souvent les fofolle, comme pour évacuer, ou se détendre après ce moment. Nous faisons l’IEF depuis cette année, et je leur propose de temps en temps une activité sur la table, mais elles n’accroche pas trop et se détourne bien vite à leur histoire. Je ne les force pas, mais j’aimerai avoir des conseils éventuellement, des pistes, sur comment leur permettre de petit à petit arriver quand même à se concentrer sur quelques petites activitées ou autres. Merci en tout cas pour cet article, c’est trés intéressant !

    • Monique

      Bonjour Vanessa,
      Merci de votre message. Alors, plusieurs choses à vous transmettre :
      – D’abord, la majeure partie des petits enfants ont un tempérament sanguin ; on recommande généralement d’attendre quelques années encore avant de voir apparaître le tempérament dominant et le secondaire.
      – Ensuite, vos filles sont vraiment petites encore. Voilà bien un des effets pervers de la dernière réforme : mettre une pression terrible sur des petits qui, au niveau de stade de développement neurologique, ne sont pas en mesure de se concentrer davantage, et c’est bien normal. Alors, bien sûr qu’ensuite elles ont besoin de se dépenser, et si vous ne leur permettez pas, cela leur sera préjudiciable.
      – Il est donc important de veiller à ce que, régulièrement, elles puissent se dépenser physiquement ou bien investir leurs jeux libres et imaginaires. Proposez leur beaucoup d’activités engageant les sens (voir le livre « Mondes sensibles » (https://www.chantdesfees.fr/2019/07/27/lepoustouflant-mondes-sensibles-de-wolfgang-auer/) : du travail manuel, de l’artistique (c’est une façon « informelle » aussi de leur faire acquérir du vocabulaire) ; lisez-leur de bons et beaux livres ; organiser quelques contes sur table (là aussi, cela fait travailler le vocabulaire) ; cuisinez ensemble, compter les légumes ; « peux-tu m’éplucher deux carottes et mes les coupez en 4 morceaux ? »… etc.. la dernière circulaire de l’en parle d’exploration et de manipulation : exploitez beaucoup cette piste, mais de manière souple. A vous de traduire ensuite à l’En vos activités en langage intelligible pour les inspecteurs (c’est une nécessité, et à tous les âges).
      La concentration viendra avec la maturation du cerveau (avez-vous lu Pour une enfance heureuse de Catherine Gueguen ? )
      De par mon expérience, les enfants sont davantage propices à se concentrer le matin ; donc si vous tenez absolument à faire quelques activités sur table, privilégiez le matin et consacrez le reste du temps entre sorties dans la nature/jeux libres/activités rythmiques (comptines/chants/poésies qui élargissent aussi le vocabulaire), lectures/contes sur table, des activités manuelles et artistiques en suivant un rythme pré établi sur la semaine (ce sera un plus à présenter lors des contrôles de l’en).
      Je compte faire un ou deux articles sur les 3-6 ans à la lueur de nouvelle réforme, mais je ne suis pas prête pour le moment… En tous cas, sachez que cette réforme demande trop aux petits ; ce ne sont pas vos filles qui sont en cause, mais les technocrates qui ne respectent pas le rythme des enfants.
      – Enfin, il y a la relation gémellaire de vos filles ! Déjà, vous pouvez comptez dessus car cette relation va les porter plusieurs années, jusqu’à leur première « crise de séparation » naturelle (vers 8/9 ans) ; cela vous permettra des apprentissages vivants puisque l’une entraînera l’autre, souvent à tour de rôle. Vous ne pouvez pas ne pas prendre en compte cet élément. Il y aura une émulation, même si elles sont aussi deux personnes différentes (mon propos n’est pas de dire que vous avez en face de vous deux copies conformes, loin de là) ; mes jumelles sont très différentes de tempérament (en plus elles sont dizygotes) mais leur relation avait (et a encore dans une certaine mesure), une place énorme. C’est un facteur incontournable qui va vous demander beaucoup de décryptages. Les nôtres ont 15 ans et on découvre encore beaucoup de choses !
      Bon courage !

  4. Camille Serres

    Bonjour ! Habituée de littérature, je connaissais cette théorie des humeurs et la classification en tempéraments, mais je n’en avais jamais vu l’application de si près et si détaillée. Je la trouve en belle résonnance avec un autre mode intéressant aussi, hérité de l’ayurverda (je me forme à l’enseignement du yoga).
    Je me reconnais complètement dans le tempérament sanguin ! Ce qui me permettra sans aucun doute d’avoir plus de bienveillance avec moi-même.
    Mon mari et moi envisageons l’enseignement en famille pour notre petit d’actuellement 2ans et demie (surement après un ou deux ans de maternelle, organisation familiale oblige). Cela nous aidera également beaucoup dans notre interraction avec lui
    – de nous connaitre nous
    – et de le comprendre lui 😉

    Merci !

    • Monique

      Bonjour Camille,
      La pédagogie Steiner a poussé la compréhension des tempérament jusqu’à un niveau des plus intéressants. A vrai dire, j’ai l’impression qu’on ne cesse jamais de les approfondir !
      Je vous souhaite beaucoup de bonheur dans cette aventure !
      Au plaisir !

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