L’écoféminisme en question
Les éditions La Plage ont sorti il y a quelques mois L’écoféminisme en questions – Un nouveau regard sur le monde, écrit par Pascale d’Erm et puissamment illustré par Anna Maria Riccobono. Pascale d’Erm est journaliste et autrice ; dans un sens large, son sujet de prédilection est l’écologie. Mais, plus précisément, ses recherches se sont orientées sur le lien que les femmes entretiennent de manière serrée avec leur environnement naturel. Il en a d’ailleurs résulté le très beau « Soeurs en écologie » et la notion de « sororité écologique ».
Avec ce livre, Pascale d’Erm nous entraîne dans l’univers de l’éco-féminisme dont on entend de plus en plus parler. Pourtant, l’éco-féminisme n’est pas récent ; il est même né en France, créé par Françoise d’Eaubonne. On dirait que notre pays, encore largement pris dans l’étau patriarcal, a encore laisser passer une belle occasion de mettre en avant les femmes et leur créativité inouïe surtout quand il s’agit de prendre soin de soi et des autres !
Le parti pris sur la forme de l’écrit choisi par Pascale d’Erm est des plus intéressants : les chapitres thématiques sont traités sous forme de dialogue entre des personnages fictifs ou bien inspirés de personnalités réelles comme Vandana Shiva. Il en résulte un texte très vivant et très dynamique, dont une des qualités majeures est d’être extrêmement accessible.
Cela confère à L’éco-féminisme en questions une précieuse dimension de vulgarisation. Si celui-ci vous intéresse et que vous ne savez pas par où commencer, prenez cet ouvrage. Si vous avez déjà de bonnes connaissances de ce mouvement, ordonnez-les grâce à cet ouvrage et prenez note des nombreuses références fournies afin d’aller plus loin.
Apports du livre
Peut-être que celleux qui sont très avancés dans l’éco-féminisme n’y apprendront pas grand-chose ; encore que… Le choix de la présentation sous forme de dialogues autour de la recension des étapes majeures de ce mouvement en ont un outil utile et efficace pour se remémorer des points importants et les classer. Pour relire, encore et encore, ce qui a fondé cette importante dynamique de l’écoféminisme.
Pour vous faciliter la lecture, les personnages, protagonistes des échanges, sont présentés en tout début de livre ; ils proviennent tous d’horizons divers et variés :
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Vandana Shiva « est « la » figure emblématique de l’éco-féminisme postcolonial »
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Célia est une jeune femme urbaine et activiste
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Mary est une sorcière néopaïenne
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Cathy est une universitaire, professeur de sciences politiques et féministes
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Lise et Christophe, qui vivent dans un écohameau
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Anne qui est une militante queer qui œuvre contre l’oppression des genres
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Enfin, il y a Grégoire, un journaliste qui se pose beaucoup de questions sur l’éco-féminisme
Mais ne vous fiez pas à l’apparente simplicité de cet ouvrage : sa grande intelligence est de vous fournir de très nombreuses clés sans occulter une profondeur nécessaire à la durée dans le temps d’un mouvement dont l’importance est phénoménale au point d’impacter la politique et de nourrir un courant de la science politique qui sont encore des pré-carrés de la pensée et de l’action patriarcale.
L’éco-féminisme est comme un fleuve qui irrigue la terre de ses alluvions fertiles. Il serait dommage de passer à côté de la compréhension qu’il apporte alors qu’il est appelé à insuffler encore beaucoup de changements.
Quelques citations de L’éco-féminisme en questions :
« Les études montrent que les femmes devenues leaders de leurs territoires investissent prioritairement en faveur de l’hygiène, de l’eau potable, de la santé, de la préservation des ressources naturelles, alors que les hommes financent des infrastructures et l’urbanisations des villages. L’écoféminisme émancipateur pour les femmes profite à toute leur communauté et au-delà, à nous tous et toutes… » (page 147)
« Pour les écoféministes, la valeur du care est fondamentale. Il faut prendre soin des autres, réparer le monde, retisser la toile de la vie, prêter secours aux plus vunérables, lutter contre « la double peine » infligée aux plus dévalorisé-es, qui sont aussi celles et ceux qui subissent de plein fouet la crise écologique. A travers le care, la santé et l’écologie sociale prennent le pas sur une écologie purement environnementaliste, c’est-à-dire orientée vers la protection de la nature. » (pages 116/117)
🌿 FAQ sur l’écoféminisme – Quand la Terre et les femmes se relèvent ensemble
Qu’est-ce que l’éco-féminisme ?
L’éco-féminisme est un courant de pensée et d’action qui relie les luttes écologiques et féministes. Il repose sur une intuition fondamentale : les mécanismes qui détruisent la nature sont les mêmes que ceux qui oppriment les femmes (et, plus largement, les corps minorés). L’éco-féminisme propose une vision du monde plus sensible, interconnectée, respectueuse du vivant.
Quelle est l’origine de l’éco-féminisme ?
Le terme « éco-féminisme » a été utilisé pour la première fois en 1974 par Françoise d’Eaubonne, militante française. Elle appelait à une « révolution écoféministe » pour répondre à la crise écologique et au patriarcat. Mais les racines de cette pensée sont plus anciennes : elles plongent dans les savoirs des femmes guérisseuses, des sorcières persécutées, des gardiennes de la Terre, souvent invisibilisées dans l’histoire dominante.
Comment l’éco-féminisme a-t-il évolué dans l’histoire ?
L’éco-féminisme s’est développé dans les années 1980-1990 à travers des mouvements internationaux :
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En Inde, avec Vandana Shiva, qui défend une agriculture vivante et les savoirs traditionnels.
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Aux États-Unis, avec des collectifs militants mêlant actions directes, spiritualité et écologie.
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En France, il a connu un regain d’intérêt au XXIe siècle, notamment dans les cercles alternatifs, artistiques et spirituels.
Aujourd’hui, il existe plusieurs branches de l’éco-féminisme : radical, spirituel, décolonial, queer, etc. Toutes posent la question : comment guérir ensemble, femmes et planète ?
Quels sont les grands principes de l’éco-féminisme ?
Voici quelques principes clés :
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Interdépendance : les êtres vivants sont liés par un tissage invisible et sacré.
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Refus de la domination : l’écoféminisme dénonce le pouvoir vertical, l’exploitation, la violence faite aux corps (humains et non-humains).
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Soin du vivant : prendre soin est un acte politique, pas une faiblesse.
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Justice climatique et sociale : les femmes sont souvent en première ligne face aux dérèglements du monde.
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Récit alternatif : réenchanter notre lien à la Terre, sortir de la vision productiviste, redonner voix aux récits ancestraux et oubliés.
En quoi l’écoféminisme est-il différent de l’écologie classique ?
L’écoféminisme ne sépare pas le corps, l’âme et la Terre. Il ne se contente pas de proposer des solutions techniques, mais interroge la structure même du monde moderne : la logique de domination, la coupure nature/culture, le mythe du progrès infini. C’est une écologie incarnée, poétique, rebelle et profondément reliée au sensible.
Quels sont les liens entre l’écoféminisme et la spiritualité ?
De nombreuses écoféministes puisent dans une spiritualité du vivant : cycles lunaires, célébrations de la nature, mémoire des sorcières, sagesse des peuples premiers…
Cette spiritualité n’est pas dogmatique. Elle est intuitive, ancrée dans le corps, et honorante pour la Terre. Elle invite à retisser un lien sacré avec ce qui est vivant, en soi et autour de soi.
Peut-on être écoféministe dans sa vie quotidienne ?
Oui, l’écoféminisme se vit autant qu’il se pense. Quelques exemples :
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Prendre soin de soi et de ses cycles comme d’un rituel sacré.
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Soutenir l’agriculture locale, le vivant, les initiatives solidaires.
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Repenser la manière d’habiter le monde : moins de pouvoir, plus de relation.
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Rejoindre un cercle, créer du lien, partager sa voix.
Pourquoi l’écoféminisme est-il particulièrement d’actualité aujourd’hui ?
Parce que le monde brûle. Parce que les femmes, les minorités, les plus pauvres et la nature sont encore et toujours les premières victimes des crises globales.
Parce que guérir la Terre sans guérir les corps blessés ne suffit pas.
Parce que nous avons besoin d’un récit nouveau, qui parle de coopération, de respect du vivant, d’intelligence collective et de beauté.
Parce que l’écoféminisme n’est pas une réponse toute faite, mais une invitation à écouter plus grand que soi.
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